Sénégal – Il n’est pas trop tard
27 janvier 2012. Le Conseil constitutionnel valide la candidature de Me Abdoulaye Wade à la présidentielle devant se tenir quelques semaines plus tard, ce malgré la contestation de l’opposition politique et civile réunie au sein du M23 (Mouvement du 23 juin). Il sera finalement largement battu par le candidat Macky Sall au second tour des élections. Cette période électorale aura été particulièrement tendue dans le pays, avec des mots durs de part et d’autre et un coût humain important : une dizaine de sénégalais perdront la vie.
L’accession à la magistrature suprême de Macky Sall insuffle un nouveau dynamisme au pays, qui renforce ainsi sa position de référence en démocratie sur le continent.
Pourtant, quelques années plus tard, une 1ère alerte intervient, lorsque les candidats Khalifa Sall, ex-maire de Dakar, et Karim Wade, ex-ministre et fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, sont exclus de la course à la présidentielle par le conseil constitutionnel. En sus, la nouvelle disposition des parrainages devant être obtenus par les candidats est introduite, réduisant ainsi considérablement le nombre de candidats, qui seront 5 au final. Le président sortant sera réélu dès le 1er tour, pour un mandat de 5 ans cette fois-ci et non 7.
Les années qui suivent voient éclore un nouveau leader. Ce n’est pas vraiment un inconnu puisqu’à la tête du PASTEF depuis 2014, il participe à l’élection présidentielle de 2019, terminant 3e avec 15, 67% des voix. Cependant, sa popularité grandit, avec un discours panafricain, patriote, et des phrases chocs qui séduisent de plus en plus de sénégalais, et notamment la jeunesse.
Son parcours en inspire plus d’un. Lui qui est issu d’une famille modeste, l’inspecteur des impôts qu’il est se voit radié de la fonction publique pour manquement à son devoir de réserve. Il est élu député aux législatives de 2017, puis Maire de Ziguinchor en 2022, sous la bannière de la coalition « Yewwi Askan Wi ».
Surgissent les affaires judiciaires. En 2021, une employée d’un salon de massage porte plainte contre lui pour viols répétitifs et menaces de mort.
Les évènements s’enchainent, avec la levée de son immunité parlementaire. Il est arrêté le 3 mars 2021, alors qu’il se rend à la convocation d’un juge d’instruction, et placé en garde à vue. Des manifestations éclatent faisant une dizaine de morts.
Le 1er juin dernier, et toujours dans le cadre de cette même affaire, il est condamné à 2 ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », et non plus pour « viols répétés et menaces de morts ». Ses partisans crient au complot, y voyant les bases d’une prochaine exclusion de la prochaine présidentielle. Ils en sont d’autant plus convaincus que Khalifa Sall et Karim Wade en ont fait les frais quelques années plus tôt, et que le président Macky Sall reste flou sur ses réelles intentions pour la présidentielle de 2024.
Depuis quelques jours, le Sénégal connait des troubles majeurs, quelques mois seulement avant la grande échéance de février 2024. Le bilan est déjà plus lourd que celui de la période ayant conduit au départ du Président Abdoulaye Wade. La situation reste fragile, plusieurs analystes prédisant un possible embrasement en cas d’arrestation effective d’Ousmane Sonko, dont les partisans font montre de détermination.
Dans cette atmosphère, quelles pistes envisager pour un retour au calme et à une paix durable ?
Une étape qui nous semble de 1ère importance est la clarification de la position du Président Macky Sall sur sa volonté de briguer un 3e mandat. La constitution en son état actuel semble ne pas le lui permettre. L’opposition et des mouvements de la société civile, de plus en plus nombreux, sont de cet avis, et exigent une clarification de sa part sur ce point, pour apaiser les tensions.
Ensuite, il faudra travailler à rendre l’élection présidentielle à venir la plus inclusive possible. Il est clair que l’éviction d’une personnalité comme Ousmane Sonko va conduire à des troubles, et possiblement à davantage de morts. Mettre en place un cadre de concertation et de discussion, en vue de trouver des solutions pertinentes devient pressant.
En espérant que la sagesse habite les uns et les autres, pour que ce pays retrouve la stabilité et le sérieux démocratique qu’on lui a toujours connu.
Il n’est pas tard.