Repenser l’organisation : L’organigramme, un levier stratégique pour tous Par : Yvon KOUADIO, Manager Athari Advisors

12 juin 2025

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Dans de nombreuses organisations, qu’il s’agisse de PME en pleine croissance, de grandes entreprises établies, de ministères ou d’agences publiques, l’organigramme est souvent perçu comme un vestige administratif, un symbole de lourdeur bureaucratique. On entend fréquemment des phrases comme : « Chez nous, on sait qui fait quoi, on n’a pas besoin de tout mettre sur papier ». Pourtant, cette perception est dépassée. À mesure qu’une structure se développe, que ses équipes s’étoffent et que ses enjeux se complexifient, la question de sa structuration devient primordiale. C’est là que l’organigramme, s’il est bien conçu et bien utilisé, devient un outil puissant de performance et de clarté.

|Déconstruire les idées reçues : L’organigramme, ni rigide, ni bureaucratique

L’organigramme n’est pas un outil figé destiné à orner un mur ou à être réservé aux grandes entreprises ou à l’administration publique. Au contraire, il devient stratégiquedès lors que la complexité augmente : multiplication des acteurs, décentralisation des fonctions, élargissement des mandats. Dans les contextes que nous accompagnons, notamment en Afrique de l’Ouest, sa mise en place ou sa mise à jour peut profondément transformer la clarté des responsabilités, la fluidité des interactions et la performance globale.

Dans les PME, la croissance s’accompagne souvent d’une intensification des activités sans toujours un ajustement organisationnel. Les collaborateurs jonglent entre plusieurs rôles, les décisions se concentrent entre les mains du fondateur, et les nouveaux arrivants sont livrés à eux-mêmes pour comprendre « comment ça fonctionne ici ». Le résultat ? Des tensions internes, une lenteur dans l’exécution et des difficultés à déléguer. Ce n’est pas un problème de compétence, mais d’organisation.

Pour les entités publiques, l’absence d’un organigramme clair génère des doublons, des tensions hiérarchiques, et des zones grises dans la prise de décision, freinant l’efficacité administrative et la redevabilité.

|Pourquoi repenser l’organisation devient indispensable ?

Un organigramme bien conçu et utilisé à bon escient joue un rôle clé. Non pas comme une carte rigide gravée dans le marbre, mais comme un « support de dialogue« . Il permet de répondre à des questions fondamentales : Qui est responsable de quoi ? Quelles sont les lignes de reporting ? Où faut-il renforcer l’équipe ? Qui peut décider quoi ? Sans réponses claires à ces questions, la délégation est freinée, des doublons apparaissent, et les frustrations s’accumulent.

Un organigramme clair permet de :

Clarifier les responsabilités entre directions, départements, et équipes décentralisées.
Faciliter la redevabilité interne et externe.
Structurer les relations interinstitutionnelles et interdépartementales.
Accélérer les arbitrages et la prise de décision.
Renforcer la confiance entre partenaires.

|Quand l’organigramme devient stratégique ?

Dans nos accompagnements, qu’il s’agisse de PME agricoles, industrielles, de services, ou d’entités publiques, plusieurs situations montrent à quel point un organigramme, même sommaire, peut être transformateur :

Lors de l’ouverture de nouveaux sites ou zones géographiques, où il faut clarifier les responsabilités locales et centrales pour éviter les conflits d’autorité.
Quand l’organisation atteint un seuil critique de salariés (15, 30, 50, ou plus), et que la coordination informelle ne suffit plus.
Au moment de recruter un directeur ou un cadre, où il devient essentiel de lui positionner un périmètre clair en articulation avec les rôles existants.
En vue d’un partenariat stratégique ou d’un financement, où le plan d’affaires doit être crédible en termes de structure managériale et de gouvernance.
Lors des phases de réorganisation ou de coordination multi-acteurs dans le secteur public.

Dans ces contextes, l’organigramme devient un outil de projection : il permet à l’organisation de se représenter telle qu’elle veut fonctionner demain, et pas seulement de décrire la situation actuelle.

|Des bénéfices concrets, pour tous

Loin d’être un exercice cosmétique ou un fardeau, la mise en place d’un organigramme bien pensé apporte des bénéfices immédiats et tangibles :

Pour le dirigeant/responsable : Il facilite la délégation, clarifie les interlocuteurs, et réduit les sollicitations permanentes sur des décisions opérationnelles mineures. Il libère du temps pour se concentrer sur la stratégie.
Pour les équipes : Il donne de la visibilité sur les responsabilités de chacun, encourage la prise d’initiative, et facilite l’intégration des nouveaux collaborateurs. Il instaure un sentiment de clarté et de transparence.
Pour les partenaires : Il donne des gages de structuration et de gouvernance, essentiels dans les processus de levée de fonds, d’appels d’offres ou de collaborations inter-organisationnelles. Dans les administrations publiques, il rend visible la chaîne de valeur administrative, renforçant la crédibilité institutionnelle.

En Côte d’Ivoire, certaines coopératives agricoles structurées avec l’appui de programmes publics ou de bailleurs internationaux ont vu leur capacité de négociation transformée après avoir formalisé leur organigramme, grâce à une meilleure clarté dans les rôles et une traçabilité accrue des décisions.

|Mettre en place un organigramme utile, simple et évolutif

Le piège serait de vouloir « faire comme les grandes entreprises » avec un organigramme trop détaillé, parfois déconnecté de la réalité. À l’inverse, les meilleures pratiques privilégient la simplicité, l’itération et l’ancrage dans les besoins réels :

Commencer par les fonctions clés, même si une même personne occupe plusieurs casquettes.
Identifier les grandes lignes de responsabilité et de redevabilité : qui supervise qui, qui valide quoi ?
Articuler structure, missions et niveaux de responsabilité.
Utiliser un format visuel clair et compréhensible par tous, même sans formation en management.
Mettre à jour régulièrement, notamment lors des recrutements, promotions ou restructurations.
Impliquer les équipes dans la co-construction, pour éviter que l’organigramme ne soit perçu comme une injonction descendante.

Dans certaines entreprises, nous avons proposé une version « à deux vitesses » de l’organigramme : une version simplifiée, affichée dans les bureaux ou partagée avec les partenaires, et une version détaillée, utilisée en interne pour la gestion RH et la planification.

|Repenser l’organisation, pas la figer

Un bon organigramme n’est pas figé dans le marbre : il reflète une organisation à un instant T, et doit pouvoir évoluer. Son existence même encourage le questionnement stratégique : avons-nous la bonne organisation pour nos priorités actuelles ?

En définitive, l’organigramme n’est pas une fin en soi, mais un outil au service d’une organisation plus claire, plus fluide et plus performante. Dans un contexte où les entreprises et les institutions africaines sont appelées à jouer un rôle central dans la transformation économique et sociale du continent, il est temps de réhabiliter cet outil comme un levier stratégique indispensable. Ce n’est pas un luxe bureaucratique. C’est un acte de management éclairé.

|À retenir :

L’organigramme clarifie les rôles, facilite la délégation et structure la croissance.
Il devient stratégique à des moments clés : changement d’échelle, recrutements, levées de fonds, ou réorganisation.
Il n’est pas réservé au privé : le secteur public en tire des bénéfices majeurs.
Il doit rester simple, évolutif et centré sur les besoins réels de l’organisation.
Utilisé intelligemment, il est un levier puissant de performance et de cohésion collective.

Repenser l’organisation commence souvent par un geste simple : rendre visible qui fait quoi, pour qui, et comment les différents blocs s’articulent. L’organigramme, loin d’être un symbole de bureaucratie, devient alors un outil de leadership, de pilotage stratégique et de transparence.

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