
Pourquoi la santé mentale est la nouvelle frontière du bien-être en entreprise Par Dr Parfait Touré
Le bien-être en entreprise est devenu, au fil des années, un argument fort pour attirer et fidéliser les talents. Mais ce que beaucoup de dirigeants et responsables de ressources humaines ont longtemps réduit à quelques actions visibles et sympathiques — comme l’installation de salles de sport, l’organisation d’activités de team building, la distribution de paniers de fruits ou encore la mise en place de « journées bien-être » — montre aujourd’hui ses limites.
En réalité, ces actions, bien qu’appréciées, restent superficielles si elles ne s’attaquent pas à ce qui constitue le socle même du bien-être des collaborateurs : leur santé mentale. La crise du COVID-19 a agi comme un puissant révélateur, en bouleversant nos repères professionnels. La généralisation soudaine du télétravail, l’isolement, la surcharge de travail, l’incertitude économique, la peur du licenciement et, pour certains, le sentiment de perte de sens dans leurs missions, ont mis en lumière une réalité souvent ignorée : derrière les performances affichées se cache parfois une détresse psychologique profonde. Cette détresse peut se manifester sous des formes variées : anxiété chronique, stress permanent, troubles du sommeil, épuisement professionnel, voire dépression. Autant de signes que les entreprises, en Afrique comme ailleurs, commencent à peine à reconnaître et à intégrer dans leur stratégie de management.
La santé mentale au travail est pourtant un levier stratégique majeur. Elle est directement liée à l’engagement des collaborateurs, à leur motivation, à leur créativité et, in fine, à la performance globale de l’organisation. Des collaborateurs psychologiquement épuisés ou démotivés ne peuvent pas donner le meilleur d’eux-mêmes, quelles que soient les incitations extérieures. Ils risquent de s’absenter plus souvent, de perdre leur efficacité, ou de quitter l’entreprise à la recherche d’un environnement plus sain.
Cette réalité, bien qu’encore peu documentée par des données chiffrées en Afrique de l’Ouest, est pourtant perceptible sur le terrain. De nombreuses entreprises ivoiriennes font face à des vagues silencieuses d’absentéisme, à des cas de burn-out non déclarés, ou à une démobilisation progressive des équipes qui se traduit par une baisse de la productivité et une détérioration du climat social.
À l’échelle mondiale, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la dépression et les troubles anxieux coûtent chaque année plus de 1 000 milliards de dollars en perte de productivité. Si ce chiffre concerne principalement les économies industrialisées où les études sont mieux documentées, il serait naïf de croire que les entreprises africaines sont épargnées. Au contraire, les défis économiques, les pressions du marché, l’absence d’une culture du dialogue social et la stigmatisation des questions de santé mentale aggravent souvent la situation sur le continent.
La santé mentale en Afrique est d’autant plus un enjeu critique qu’elle reste largement taboue. Nombreux sont les salariés qui n’osent pas parler de leur mal-être par peur d’être jugés faibles, incompétents ou non professionnels. Cette culture du silence aggrave les situations, en repoussant le moment où des actions préventives ou curatives pourraient être mises en place.
Pourtant, il est aujourd’hui démontré qu’une organisation qui investit dans la santé mentale de ses équipes en tire des bénéfices tangibles, à la fois humains et économiques. La qualité du climat social, la réduction du stress au travail, la gestion des conflits, la fidélisation des talents, ou encore la capacité d’innovation collective sont toutes directement liées à la qualité de vie psychologique au sein de l’entreprise. Ce n’est donc pas une simple question de bienveillance, mais bien une décision stratégique qui conditionne la capacité des entreprises à rester performantes et attractives dans un environnement de plus en plus compétitif.
En Afrique, les entreprises font face à une double urgence. La première est celle de sortir du tabou culturel qui entoure encore largement les questions de santé mentale. Il est nécessaire de déconstruire les idées reçues qui associent le mal-être psychologique à une faiblesse personnelle ou à une question strictement privée. La santé mentale, tout comme la santé physique, est une responsabilité collective qui engage l’organisation dans son ensemble : direction, managers, ressources humaines, et salariés. La seconde urgence est d’agir concrètement en intégrant la santé mentale dans les politiques de gestion des ressources humaines. Il ne s’agit pas de multiplier les actions symboliques, mais de mettre en place de véritables dispositifs d’écoute, de prévention, de formation et d’accompagnement. Concrètement, cela commence par la sensibilisation des équipes et des managers à la reconnaissance des signaux faibles : fatigue chronique, repli sur soi, irritabilité, baisse de motivation, désengagement. Ces signes doivent être perçus non comme des faiblesses individuelles à sanctionner, mais comme des alertes collectives à prendre en compte pour ajuster l’organisation du travail, les objectifs, les méthodes de management et les conditions de travail. Cela passe aussi par la mise en place de dispositifs d’accompagnement, qu’il s’agisse de cellules d’écoute internes, de partenariats avec des psychologues ou des coachs spécialisés, ou encore de politiques de gestion du stress adaptées aux réalités culturelles et économiques locales.
Chez YODAN, nous sommes convaincus que la santé mentale est la nouvelle frontière du bien–être en entreprise. Une frontière que les organisations africaines, et ivoiriennes en particulier, doivent franchir dès maintenant pour assurer leur avenir.
C’est pourquoi nous proposons d’accompagner les entreprises dans cette transformation culturelle et organisationnelle. Nous croyons qu’une entreprise qui prend soin de la santé mentale de ses équipes est une entreprise qui se donne les moyens de réussir durablement. Investir dans la santé mentale, c’est investir dans l’humain. Et investir dans l’humain, c’est investir dans la performance de demain.