Mangosuthu Buthelezi – L’opposant historique et controversé de Nelson Mandela
Chef traditionnel influent des Zoulou, une ethnie importante de l’Afrique du Sud, l’homme politique a marqué sa carrière par des revirements. Portrait d’une figure adulée parmi les siens.
Mangosuthu Buthelezi fait partie des acteurs politiques sud-africains de premier rang à l’époque de l’apartheid. Il est aussi un personnage insaisissable tant les actions qu’il a menées ont été en contradiction les unes par rapport aux autres.
Militant de l’ANC au début de sa carrière politique, il quitte le groupe et fonde en 1975 « l’Inkhata Freedom Party » (IFP), un mouvement indépendantiste qui prône la sécession des territoires et des peuples Zoulou du pouvoir central de Johannesburg.
Sa critique des opérations de lutte anti-apartheid conduites par Nelson Mandela, a créé la distance entre lui et ses anciens compagnons. Son retrait du combat pour la libération des noirs d’Afrique du Sud, a perturbé le camp des antiségrégationnistes à cause du départ de ses troupes du terrain des batailles. Or ces derniers constituaient un nombre important et une force contre l’oppresseur.
Chef du gouvernement autoproclamé du « bantoustan » un territoire du grand royaume zoulou, il est considéré par les noirs opposés à l’ordre établi comme un traître à la solde du système blanc raciste. Il n’a cessé de démentir un quelconque rapprochement qui aurait existé entre le régime de l’apartheid et lui.
Malgré sa versatilité, il est élu député en 1994 et nommé ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Nelson Mandela qui parvient à rassembler les parties prenantes au processus de réconciliation dont le but vise la construction d’une Nation solide, indivisible et unitaire.
La désignation de Mangosuthu au poste stratégique de ministre de l’Intérieur a calmé ses ardeurs ; il avait pour mission de pacifier les groupes et de privilégier l’intérêt supérieur d’une République sortie de longues années de braises.
« Il y avait une opportunité pour Nelson Mandela de forcer la main à son adversaire. Mangosuthu Buthelezi était populaire auprès du peuple Zoulou ; il bénéficiait de leur confiance et incarnait la puissance de cette ethnie considérable au plan démographique. Il fallait compter sur ce leader charismatique pour diriger un pays longtemps divisé par les guerres raciales et ethniques», dixit Blanche Ngnoungou, chercheure en histoire, qui donne quelques détails sur l’importance du personnage. Toutefois, la lutte séparatiste qu’il a engagée contre l’ANC a été meurtrière. Les sources estiment à 5000 morts le nombre de victimes enregistrées dans les violences opposants les deux camps noirs. Après avoir dirigé sa formation politique (IFP) d’une main de fer pendant 40 ans, ce prince Zoulou s’est retiré des affaires pour regagner ses terres dans le Kwazulu-Natal. Décédé à l’âgé de 95 ans, sa longévité sur la scène politique sud-africaine et son image au sens traditionnel sont célébrées par ses compatriotes jusqu’au plus haut niveau de l’État.
Tchuisseu Lowé