Interview – Pr Moulot

Docteur d’état en médecine de l’Université Félix Houphouët-Boigny, Spécialiste de Chirurgie Pédiatrique, il est aussi récent lauréat du concours d’agrégation.

Le Professeur Martial Olivier Moulot nous fait l’honneur de nous recevoir.  

 

Bonjour Professeur, et merci pour le temps que vous nous accordez. On commence par les présentations ?

Bonjour, Je suis MOULOT Martial Olivier, Maitre de Conférences Agrégé de l’unité de formation et de recherche des Sciences Médicales d’Abidjan à l’université Félix Houphouët Boigny. Je suis spécialiste en chirurgie pédiatrique et en fonction dans le service de mon Maître le Pr Bankolé Rouma au CHU de Treichville d’Abidjan. Je suis également titulaire de plusieurs diplômes de vidéochirurgie pédiatrique d’universités européennes.

 

On dit souvent que le choix de faire médecine se fait tôt, comme s’il s’agissait d’une sorte « d’appel ». Cela a-t-il été le cas pour vous ? Quand avez-vous décidé de vous orienter vers cette discipline ? 

  • Une sorte d’appel ? Effectivement, je pense que cela n’est pas faux. Cela a été le cas pour moi, car étant fils d’un chirurgien, ma sensibilité à l’appel s’est faite certainement là. 
  • J’ai décidé de m’orienter vers la chirurgie pédiatrique en 5ème année de médecine et ce choix s’est précisé en 3ème année d’internat de médecine. 

 

Vous êtes spécialiste de Chirurgie Pédiatrique. Pourquoi ce choix ? 

Alors, pourquoi la chirurgie pédiatrique ? C’était une discipline passionnante pour moi, relativement récente dans notre contexte avec encore plusieurs horizons à développer. Cette discipline répond à la sensibilité que j’ai pour ces tout petits qui n’ont rien à offrir mais tout à recevoir. Je veux être une solution à leurs maux dans le contexte de la pathologie chirurgicale. 

Pouvez-vous expliquer en quoi consiste votre métier ? Les pathologies les plus courantes que vous traitez ? Une journée type de travail ?

  • Mon métier se décline en 3 axes. 

Celui du Chirurgien pédiatre qui consiste à prendre en charge les enfants atteints d’affections chirurgicales. Leur offrir les soins les meilleurs à jour des dernières connaissances médicales et bien adaptés à notre contexte.  

Celui de l’Enseignant qui consiste à encadrer les étudiants en médecine et les médecins en formation afin de devenir chirurgien pédiatre

Et enfin celui du Chercheur qui consiste à mener des travaux scientifiques de recherche pour l’amélioration de la qualité des soins afin d’apporter des avancées dans le domaine médical en Côte d’Ivoire, en Afrique et dans le monde. 

  • Les pathologies les plus courantes

Nous avons les infections ostéo-articulaires de l’enfant ; les urgences digestives (Appendicites compliquées ; les perforations d’intestins…) et les malformations (Urologiques et digestives)

  • Une journée type de travail 

Elle débute à 8h00 par le staff (Mise au point sur les pathologies des enfants reçus au cours de la garde), ensuite la visite des enfants hospitalisés, puis la réalisation d’interventions chirurgicales sur des enfants programmés pour le jour. Après ces activités cliniques, je reçois des étudiants et médecins qui ont des travaux de recherche sur lesquels on travaille. En dehors de cela il y a également des périodes de dispensation de cours et travaux pratiques aux étudiants en médecine et spécialistes en formation puis la participation à des jurys de thèse et de mémoire.

 

Avez-vous une anecdote à raconter ? Sur une situation vécue au cours de votre pratique hospitalière ?

Oui j’en ai plusieurs ! Je me souviens que dans les années 2015-2016, un père était venu avec sa fille de 12 ans dans le service de chirurgie pédiatrique du CHU de Treichville. Sa fille avait des intestins qui étaient perforés avec une infection qui était généralisée dans tout le ventre. C’est ce que l’on appelle la péritonite. Devant l’état grave de l’enfant et le peu de réaction que l’enfant avait, il conclut que sa fille était déjà sur le lit de mort et décida de retourner avec elle au village pour ne pas avoir à payer de frais de déplacement d’un corps en cas de décès à Abidjan. Il disait qu’il allait l’enterrer au village car elle était déjà morte. Il s’en est suivi une discussion houleuse entre lui et moi, car essayant de lui faire comprendre que l’on pouvait apporter des soins à cet enfant. Malgré son opposition et celle de la mère de l’enfant à ce que je demandais il accepta. On décida de partir avec cet enfant pratiquement à l’agonie au bloc opératoire devant les regards sans espoirs des parents se disant que c’est la dernière fois qu’ils voient leur fille et auront des tracasseries à acheminer le corps de cet enfant dans leur village. Après 3 heures au bloc opératoire, l’enfant était rendu aux parents et 2 jours plus tard leur fille était complètement transformée. Elle allait de mieux en mieux. Cette joie sur le visage des parents était indescriptible. 

Diriez-vous que le plateau technique actuel est adéquat pour un exercice serein de votre discipline en Côte d’Ivoire ? Si points à améliorer, quels sont les plus urgents à votre avis ?

  • Notre plateau technique a des points forts par rapport à d’autres pays évidemment mais il reste encore beaucoup de choses à améliorer. Notamment la réanimation néonatale chirurgicale. En effet les nouveau-nés sont très fragiles et leur prise en charge chirurgicale doit être optimisée par une bonne réanimation. A cet effet nous avons la création de l’hôpital Mère Enfant de Bingerville et la mise en place de pole mère enfant pour la prise en charge de ces nouveau-nés nécessiteux de chirurgie. 

 

  • Le point le plus urgent à mon humble avis est l’ouverture de plusieurs autres hôpitaux spécialement dédiés à la mère et à l’enfant avec des services de chirurgie pédiatrique. Cela permettra d’optimiser la prise en charge chirurgicale de nos enfants. Dissocier l’enfant de l’adulte est capital car l’enfant n’est pas un adulte en miniature, sa prise en charge obéit à des règles qui lui sont propres.

 

Vous êtes récent lauréat du concours d’agrégation. Félicitations pour cet accomplissement. Comment s’est passée votre préparation ? Et comment envisagez-vous votre carrière à court, moyen et long terme ?

Merci à vous ! 

  • Cette préparation était très ardue. Dès que l’on commence l’internat en médecine (voie de l’enseignement en Côte d’Ivoire), on commence la préparation à ce concours. Mais les 2 dernières années avant le concours sont décisives. Deux ans avant le concours la préparation est intensifiée. Dans la dernière année avant le concours on est déchargé de toutes nos activités hospitalières et académiques. On est consacré qu’à la réussite au concours. Des écuries sont constituées par nos maitres de la faculté de médecine et on est coaché jusqu’au concours. On entreprend également des voyages afin de rencontrer d’autres Maîtres de différents pays du CAMES afin de renforcer notre préparation.

 

  • Perspectives

 

A court terme : Il y a déjà le renforcement de l’offre de formation en chirurgie pédiatrique qui sera fait (Besoin d’enseignants de Rang A en chirurgie pédiatrique). 

A moyen terme : le développement de nouvelles techniques opératoires en chirurgie pédiatrique en Côte d’Ivoire. Il s’agit plus précisément de la chirurgie mini-invasive (la vidéo-chirurgie) pédiatrique. C’est-à-dire, étendre ce type de chirurgie initié en chirurgie pédiatrique en Côte d’Ivoire par mon Maître le Pr Bankolé Rouma à un nombre plus important d’enfants et de pathologies.

A long terme : Que la Côte d’Ivoire soit un pôle d’excellence en chirurgie pédiatrique où des procédures chirurgicales de haute technicité sont réalisées avec un matériel de pointe, pour le rayonnement de l’Afrique dans le monde.

 

Un mot de fin ? 

Merci à vous pour l’honneur qui m’est fait au travers de cette Interview et surtout pour la contribution à mieux faire connaître cette discipline qu’est la chirurgie pédiatrique. 

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