Interview Dr Arnaud Salami
1- Bonjour Dr. Merci de nous recevoir. Et si on commençait par les présentations ?
Bonjour, je suis le Dr Arnaud Salami, chirurgien maxillo-facial et stomatologue. Je suis aussi Maître-Assistant en Chirurgie maxillo-faciale à l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody.
2- Pourquoi la stomatologie ? Pouvez-vous nous en dire plus sur cette spécialité ?
La chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, c’est la branche de la médecine qui traite des pathologies ou maladies qui intéressent la bouche. Elle s’occupe également des malformations (fentes labiales par exemple), traumatismes, infections, tumeurs qui intéressent la face. Par ailleurs, cette discipline s’intéresse à la reconstruction de la face et à l’esthétique. C’est une spécialité encore mal connue, née pendant les guerres mondiales et qui a connu son essor avec la reconstruction de ceux qu’on appelait « les gueules cassées ».
Mon choix s’est fait naturellement pour cette spécialité durant mes années universitaires. Je suis tombé amoureux de la beauté et la complexité de cette spécialité. Je l’ai trouvée élégante, pointue. Tout ce qui s’y rapporte se situe au visage et est immédiatement visible. Cela impose au chirurgien l’envie de bien faire afin de redonner le sourire au patient.
3- Quelle est votre journée type?
Les consultations et les interventions chirurgicales programmées meublent l’essentiel de ma journée. Je suis également sollicité pour des urgences traumatiques et infectieuses de la face. Pendant l’année universitaire, je consacre également une grande partie du temps à l’enseignement théorique et pratique des étudiants et médecins en formation dans mon service. Je trouve cependant le temps de profiter de ma famille et d’avoir des temps de repos.
4- Beaucoup de personnes ne le savent pas, mais vous êtes en 1ère ligne dans la lutte contre le bec de lièvre. Quelques mots sur cette pathologie (épidémiologie, impact social, diagnostic, traitement,…) ?
En effet, nous sommes en première ligne dans la prise en charge des « becs de lièvre »….qu’on devrait plutôt appeler les fentes (labiales) car la métaphore avec le monde animal est péjorative et les lièvres n’ont pas de bec…
Il s’agit de malformation de la lèvre, pouvant atteindre le palais voire intéresser d’autres régions de la face. Cette pathologie touche toutes les classes sociales, tous les pays et toutes les régions du monde, quasiment dans les mêmes proportions. Ce n’est ni une maladie mystique, ni une maladie liée à un sort. Elle est due à l’absence de fusion de certaines régions de la face chez l’embryon durant la grossesse. Le traitement est chirurgical et permet de restaurer l’esthétique et la fonction chez les patients, permettant ainsi leur réintégration dans le tissu social. En Afrique, cette affection est encore malheureusement responsable d’un grand nombre d’infanticides et de stigmatisation. Heureusement, la chirurgie maxillo-faciale apporte des solutions efficaces pour la prise en charge de cette pathologie.
Par ailleurs, depuis quelque mois, notre équipe développe à Abidjan une nouvelle activité de reconstruction de la face dans les cancers et les grands traumatismes par exemple à l’aide d’une technique dite des lambeaux libres. Cette technique consiste à prélever des tissus (os, muscles, peau) dans diverses régions du corps (dans le dos, sur la cuisse, sur la jambe par exemple) avec leurs vaisseaux et de les utiliser pour reconstruire des destructions de tissus à la face, dans la bouche ou dans le cou. Les tissus apportés sont connectés aux vaisseaux du cou par microchirurgie.
5- Vous avez embrassé la carrière universitaire. Quelles sont vos perspectives dans les 5 prochaines années ?
Etant universitaire, en plus des activités de soins, la formation (pour moi-même et pour les plus jeunes) et la recherche doivent être continues et constamment améliorées. Mon but est d’une part, de contribuer efficacement à la formation de nouveaux chirurgiens maxillo-faciaux capables de prendre en charge de façon efficiente les patients porteurs de toutes les affections sus-citées. D’autre part, dans les cinq prochaines années, je crois fermement que la vulgarisation des techniques complexes de reconstruction et leur enseignement dans toute la sous-région deviendra courante, non exceptionnelle et permettra de révolutionner la prise en charge de plusieurs pathologies.
6- Quelques mots pour les jeunes qui rêvent d’être médecin et pourquoi pas stomatologues comme vous ?
A ces jeunes qui aspirent à devenir médecin, je voudrais rappeler que la médecine est un sacerdoce et que la pratique de cet art nécessite disponibilité (pour les patients), un certain degré d’humanisme et d’empathie, du sérieux et de la discipline. La chirurgie maxillo-faciale est une belle spécialité qui pour les esprits les plus audacieux, soucieux du travail bien fait et friands de résultats concrets sera un magnifique exutoire…
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