Interview Amina Coulibaly

10 mars 2025

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« Je rêve d’une Afrique qui capitalise sur son immense potentiel humain et naturel pour devenir un acteur incontournable de l’économie mondiale »

Amina Coulibaly incarne l’excellence et l’engagement dans le domaine des politiques macroéconomiques et du développement international. Passionnéepar ces sujets, après quatre ans au Cameroun, elle pilote actuellement le dialogue sur les politiques macroéconomiques au Timor-Leste, collaborant étroitement avec le FMI, les agences de développement, et les parties prenantes non gouvernementales pour façonner des stratégies économiques audacieuses et inclusives.

Lauréate de distinctions prestigieuses, notamment le Jan Walliser Fellowship de la Banque mondiale, le Mandela Washington Fellowship (2015), et le titre de Young Leader du Forum de Crans Montana (2016), Amina incarne une vision globale et un leadership profondément ancré dans les valeurs d’impact et d’inclusion. Ces expériences ont enrichi son approche des défis complexes du développement et renforcé son engagement à bâtir des sociétés équitables et prospères.

Parallèlement à ses responsabilités professionnelles, elle est une ardente défenseure du mentorat, consacrant une partie de son temps à accompagner et inspirer les jeunes filles, tout en poursuivant inlassablement sa quête de connaissances.

Dans cette interview exclusive, nous plongeons son parcours, en explorant les moments clés de sa carrière, ses perspectives sur les défis économiques globaux, et sa vision pour un avenir plus juste et durable.

« …mes expériences au FMI et à la Banque mondiale, notamment en Côte d’Ivoire, au Cameroun et à Timor-Leste, m’ont permis de contribuer à des réformes stratégiques ayant un impact réel sur les populations. »

Introduction et parcours personnel

1. Vous avez un parcours impressionnant dans le domaine des politiques macroéconomiques et du développement. Quelles expériences ou moments de votre enfance ou de votre parcours académique vous ont conduit à choisir cette voie ?

Jusqu’en terminale C, je rêvais de devenir médecin. Cependant, mon père, paix à son âme, a perçu dans les sciences économiques un potentiel prometteur pour contribuer au développement de nos sociétés. Fort de cette vision, il m’a encouragée à explorer cette discipline. Dès mon premier cours de macroéconomie, j’ai su que j’avais trouvé ma vocation : comprendre les dynamiques qui façonnent nos économies afin de bâtir un avenir meilleur.

Mon parcours académique reflète cette quête : un Master NPTCI en économie internationale, un DEA en économie du développement et un DESS en finance et fiscalité d’entreprise. Ma participation au programme doctoral (Collaborative PhD Programme  AERC) du Consortium pour la recherche économique en Afrique (CREA) m’a permis d’approfondir ma compréhension des politiques de développement. J’ai également renforcé mes compétences grâce à des formations telles que Leading Economic Growth à la Harvard Kennedy School, où j’ai appris à allier innovation et pragmatisme.

Aujourd’hui, après une pause due à des impératifs familiaux et professionnels, j’ai repris la rédaction de ma thèse de doctorat, qui porte sur l’efficacité des politiques budgétaires dans les pays de la CEDEAO. Ma soutenance est prévue cette année, inch’Allah. Mon travail vise à revisiter les critères de convergence budgétaire afin de renforcer l’intégration régionale et d’adapter ces critères aux réalités économiques des États membres.

Sur le plan professionnel, mes expériences au FMI et à la Banque mondiale, notamment en Côte d’Ivoire, au Cameroun et à Timor-Leste, m’ont permis de contribuer à des réformes stratégiques ayant un impact réel sur les populations. Ces expériences m’ont appris que des politiques économiques bien conçues peuvent véritablement transformer des vies.

2. Vous êtes Jan Walliser Fellow, Mandela Washington Fellow, et Crans Montana Forum Young Leader. Comment ces distinctions ont-elles façonné votre vision du leadership et du développement ?

Ces distinctions ont été des opportunités extraordinaires pour grandir en tant que leader et affiner ma vision. Le Mandela Washington Fellowship m’a connectée à des jeunes leaders africains qui partagent une ambition commune : réinventer notre continent. Le Jan Walliser Fellowship m’a offert une immersion dans des contextes économiques variés en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, renforçant ma capacité à élaborer des politiques adaptées à des réalités locales et globales.

En tant que Young Leader du Crans Montana Forum, j’ai appris que le leadership ne consiste pas seulement à diriger, mais à inspirer et à amplifier les voix des autres. Ces expériences ont consolidé ma conviction que le véritable leadership repose sur trois principes : l’intégrité, l’impact durable et l’inclusion.

 

3. Qu’est-ce qui vous motive le plus dans votre travail et vos engagements personnels ?

Je suis motivée par la possibilité de transformer les défis économiques en opportunités tangibles. Mon travail consiste à faire en sorte que les politiques économiques soient des outils concrets pour améliorer la vie des populations, en réduisant les inégalités et en renforçant la résilience.

Mon engagement dans le mentorat des jeunes filles m’apporte une immense satisfaction. Voir ces jeunes femmes gagner en confiance, atteindre leurs objectifs et devenir à leur tour des actrices de changement est une source inestimable d’inspiration.

 

« Mon rôle consiste à accompagner le gouvernement dans ses efforts pour diversifier l’économie, optimiser la gestion des finances publiques et orienter les investissements vers des secteurs stratégiques comme les infrastructures et l’agriculture. »

 

 

 

Rôle actuel à Timor-Leste

4. En tant que responsable du dialogue sur les politiques macroéconomiques à Timor-Leste, quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontée ?

Timor-Leste est un pays riche en potentiel mais confronté à des défis majeurs. L’économie repose majoritairement sur les revenus pétroliers, soulignant le besoin de diversification pour renforcer sa résilience. Mon rôle consiste à accompagner le gouvernement dans ses efforts pour diversifier l’économie, optimiser la gestion des finances publiques et orienter les investissements vers des secteurs stratégiques comme les infrastructures et l’agriculture.

Le défi principal est de répondre aux besoins immédiats de la population tout en planifiant des investissements à long terme et en renforçant les capacités institutionnelles pour garantir une croissance durable.

 

5. Comment collaborez-vous avec des acteurs aussi variés que le FMI, les agences de développement, et la société civile pour construire des stratégies économiques efficaces ?

Une collaboration réussie repose sur trois piliers : l’écoute, la transparence et la coordination. Les agences de développement apportent des perspectives sectorielles clés et des ressources, tandis que la société civile agit comme un pont essentiel vers les besoins réels des populations. Mon approche est participative : ensemble, nous cherchons à créer des solutions pratiques, inclusives et adaptées aux priorités nationales.

 

6. Quelles leçons avez-vous apprises dans ce rôle qui pourraient s’appliquer à d’autres pays en développement, notamment en Afrique ?

Trois leçons clés :

Les politiques doivent être ancrées dans les réalités locales. Les solutions standardisées ne fonctionnent que si elles sont adaptées aux spécificités économiques, sociales et culturelles.
La rigueur budgétaire est essentielle. Une gestion transparente et stratégique des finances publiques est indispensable pour maximiser l’impact des investissements.
La collaboration renforce l’impact. Impliquer toutes les parties prenantes – gouvernements, institutions internationales et société civile – garantit l’adhésion et la durabilité des réformes.

Leadership et développement économique

 

7. Vous êtes passionnée par le mentorat de jeunes filles. Pourquoi est-ce important pour vous, et comment vos initiatives ont-elles impacté celles que vous avez accompagnées ?

Le mentorat est, pour moi, une mission personnelle et un engagement moral. Évoluer dans des environnements exigeants m’a fait réaliser combien il est crucial d’avoir des modèles pour surmonter les obstacles, développer sa confiance et croire en son potentiel. En tant que mentor, je m’efforce de partager mon expérience, d’inspirer et de guider les jeunes filles dans leur cheminement personnel et professionnel. Les voir dépasser leurs limites, embrasser leurs ambitions et concrétiser leurs objectifs est l’une de mes plus grandes sources de satisfaction. Je mesure cette responsabilité à travers la gratitude que je ressens envers mes propres mentors et coachs, qui ont été des piliers essentiels dans mon parcours. Le mentorat, c’est avant tout semer des graines de résilience et de leadership qui porteront leurs fruits pour les générations futures.

 

8. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui aspirent à des rôles de leadership dans des secteurs traditionnellement dominés par les hommes, comme l’économie ou les politiques publiques ?

Je dirais : ayez confiance en vous et en vos capacités. Croyez en la valeur de vos idées et en votre potentiel à contribuer de manière significative. Investissez dans votre éducation, renforcez vos compétences et recherchez des mentors ou des alliés bienveillants qui vous soutiendront dans votre parcours. N’ayez pas peur de sortir de votre zone de confort, car chaque défi surmonté est une opportunité de grandir et de renforcer votre résilience. Et surtout, restez toujours fidèles à vos valeurs, car elles vous guideront dans vos décisions et dans la manière dont vous exercerez votre leadership. Le monde a besoin de votre vision, de votre énergie et de votre détermination.

 

9. Selon vous, quels sont les trois piliers essentiels pour promouvoir un développement économique durable et inclusif dans les pays en développement ?
La gouvernance et la transparence : Les politiques économiques doivent être ancrées dans une gestion rigoureuse et transparente des ressources publiques.
L’investissement dans le capital humain : Une éducation de qualité et des systèmes de santé robustes sont essentiels pour libérer le potentiel des populations.
La diversification économique et la transformation structurelle : Il est crucial de développer des secteurs stratégiques pour réduire la dépendance aux matières premières et créer des emplois à valeur ajoutée.

« À travers les réformes structurelles que je pilote, je m’efforce à proposer des solutions qui répondent aux besoins locaux tout en respectant des standards internationaux. »

Expériences internationales et perspectives globales

10. Comment votre perspective africaine influence-t-elle votre approche des défis économiques dans les pays en développement ?

Ma perspective africaine m’offre une vision riche et nuancée des défis structurels et des opportunités de transformation dans les pays en développement. Ayant contribué à des réformes structurelles en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au sein de la CEDEAO, ainsi qu’en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, j’ai appris que les solutions globales ne peuvent être efficaces que lorsqu’elles sont adaptées aux réalités locales. L’expérience africaine m’a également enseigné trois principes clés : la résilience face aux crises, l’innovation dans l’utilisation des ressources limitées, et l’importance de l’inclusion sociale comme moteur de croissance durable. Cette double approche – ancrée dans le pragmatisme et la créativité – me permet d’aborder les défis économiques avec une compréhension profonde des besoins des populations, tout en proposant des solutions réalistes et durables.

11. Quels parallèles voyez-vous entre les enjeux de développement en Afrique ?

Les parallèles sont nombreux, mais trois se démarquent :

1. La diversification économique : De nombreux pays africains dépendent encore de quelques secteurs clés, comme les ressources naturelles, ce qui les rend vulnérables aux chocs extérieurs.
2. Le renforcement des institutions : Des institutions fortes et transparentes sont indispensables pour garantir l’efficacité des réformes économiques et renforcer la confiance des citoyens.
3. L’investissement dans le capital humain : L’éducation et la santé restent des priorités cruciales pour permettre à chaque citoyen de contribuer pleinement au développement économique.

Ces défis sont également des opportunités, car les pays africains possèdent des atouts uniques, comme une jeunesse dynamique et des ressources naturelles abondantes.

 

« Une gestion transparente, efficace et responsable des ressources publiques est la pierre angulaire d’un développement économique durable. »

 

Vision pour l’avenir et impact personnel

12. Quel est l’impact que vous espérez avoir à travers votre travail aujourd’hui et dans vos engagements futurs ?

Je souhaite contribuer à des politiques économiques qui ne se limitent pas à des chiffres, mais qui améliorent véritablement la vie des populations. À travers les réformes structurelles que je pilote, je m’efforce à proposer des solutions qui répondent aux besoins locaux tout en respectant des standards internationaux. Mon ambition est également d’inspirer une nouvelle génération de leaders, particulièrement des femmes, à s’engager activement dans des domaines où elles peuvent apporter un changement significatif. Par ailleurs, j’espère de nouveau mettre mes connaissances et mon expérience au service de mon pays.

13. Si vous deviez identifier une seule réforme économique prioritaire pour les pays en développement, laquelle serait-elle et pourquoi ?

Si je devais identifier une réforme économique prioritaire pour les pays en développement, ce serait sans aucun doute le renforcement de la gestion des finances publiques. Une gestion transparente, efficace et responsable des ressources publiques est la pierre angulaire d’un développement économique durable. Elle garantit que chaque unité monétaire dépensée génère une valeur réelle et mesurable. Cette réforme permet non seulement d’optimiser les investissements dans des secteurs cruciaux comme l’éducation, la santé et les infrastructures, mais aussi de renforcer la confiance des citoyens et des investisseurs, indispensable pour attirer des capitaux et soutenir la croissance. Dans des contextes où les ressources sont souvent limitées et les besoins considérables, une gestion financière rigoureuse constitue un levier puissant pour maximiser l’impact des politiques publiques et répondre aux attentes des populations.

14. Comment maintenez-vous un équilibre entre vos engagements professionnels et votre passion pour l’apprentissage continu et le mentorat ?

Maintenir cet équilibre est un défi constant, mais j’ai appris à prioriser mes responsabilités tout en restant fidèle à mes passions. J’organise mon emploi du temps pour consacrer des moments spécifiques au mentorat et à l’apprentissage. Par exemple, je profite des pauses ou des périodes moins chargées pour suivre des formations ou lire des ouvrages sur des sujets qui me passionnent. Le mentorat, en particulier, est une source inestimable de satisfaction, car il me rappelle que l’impact de mon travail s’étend bien au-delà des politiques économiques pour toucher directement des vies.

 

Messages pour inspirer

15. Vous êtes une figure inspirante pour beaucoup. Quelles sont vos trois principales valeurs en tant que leader ?

L’intégrité : Être fidèle à mes principes et prendre des décisions fondées sur des valeurs éthiques solides est essentiel dans mon leadership.
L’impact : Je crois fermement que chaque action doit avoir une valeur tangible et améliorer la vie des autres, que ce soit à travers des réformes économiques ou le mentorat.
L’inclusion : Je m’efforce de créer des espaces où chaque voix, en particulier celles souvent marginalisées, peut être entendue et respectée. Cela se reflète dans mes collaborations avec la société civile, les jeunes et les femmes.
16. Quels sont vos rêves pour l’avenir du continent africain et son rôle dans l’économie mondiale ?

Je rêve d’une Afrique qui capitalise sur son immense potentiel humain et naturel pour devenir un acteur incontournable de l’économie mondiale. Une Afrique où les jeunes ont accès à une éducation de qualité et à des opportunités qui libèrent leur créativité. Une Afrique qui diversifie ses économies, investit dans l’innovation et occupe une place de leader dans des secteurs clés comme les énergies renouvelables, la technologie et l’agriculture durable. Mon espoir est que le continent devienne un modèle de résilience, d’inclusion et de prospérité pour le reste du monde.

17. Quel message aimeriez-vous adresser aux jeunes filles et aux jeunes leaders qui souhaitent avoir un impact dans leurs communautés et au-delà ?

Croyez en vos rêves et osez agir. Peu importe les défis, chaque pas que vous faites vers vos objectifs compte. Formez-vous, entourez-vous de soutiens, et rappelez-vous que votre parcours, avec ses hauts et ses bas, peut être une source d’inspiration pour les autres. Votre voix et vos idées comptent : le monde a besoin de votre énergie et de votre vision. Enfin, souvenez-vous que votre parcours n’a pas besoin d’être parfait pour être inspirant – l’essentiel est de toujours avancer, avec courage et détermination.

Mot de fin

 

Je crois fermement que chacun de nous a le pouvoir de contribuer à un avenir meilleur. En agissant avec intégrité, passion et détermination, nous pouvons transformer les défis en opportunités. Continuons à inspirer, à innover et à bâtir un monde plus inclusif et prospère.

Merci à Mian Media pour cette opportunité. Ensemble, construisons l’avenir.

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