EXAMENS MEDICAUX : QUELS OBJECTIFS ?
Depuis un certain moment en Côte d’Ivoire, la pratique médicale est sans cesse remise en cause par la population. Le manque de professionnalisme dans les hôpitaux, l’antipathie voire la misanthropie chez les praticiens des soins hospitaliers ou encore la vente illégale de médicaments par ces derniers sont autant de reproches qui sont quotidiennement faits aux agents de santé. A toutes ces critiques s’est ajoutée récemment la réalisation dite « déraisonnable » des examens médicaux que proposent les professionnels de la santé. C’est d’ailleurs cette dernière qui retient aujourd’hui notre attention.
La plupart d’entre vous ont au moins une fois reçu un bulletin d’examen(s) de la part d’un médecin ou d’un infirmier ou encore d’une sage-femme pour faire des examens médicaux. Certains parmi vous ont déjà posé la question au prescripteur sur l’utilité de ces examens dans certaines situations.
Pourquoi dois-je faire un examen de sang alors que je sais que je souffre certainement du paludisme ? Pourquoi pour de simples céphalées, ce médecin me demande-t-il de réaliser un scanner cérébral ? C’est vrai que je n’arrive pas à bien marcher après mon accident, mais c’est sûrement dû à un simple choc que j’ai reçu. Alors Docteur, est-il vraiment nécessaire de réaliser une radiographie de la jambe maintenant ? Ne pouvez-vous pas me prescrire des médicaments pour juste calmer la douleur ? Ce sont autant de questions et plus encore que vous posez au professionnel de la santé quand ce dernier vous tend un bulletin d’examens. En effet, ces interrogations méritent leurs places d’autant que c’est vous qui devez honorer les frais de ces examens. Mais alors, pourquoi réaliser des examens médicaux ?
Les examens médicaux désignent l’ensemble des techniques d’analyse et d’observation qui permettent de poser un diagnostic, de préciser l’extension d’une maladie, de déceler des facteurs de risque d’une pathologie ou de choisir un traitement et d’évaluer son efficacité.
Suite à l’interrogatoire médical (sur les symptômes, les antécédents personnels et familiaux, le mode de vie, etc.), le médecin procède à un examen clinique. Il inspecte, palpe, percute parfois et ausculte les différentes parties du corps et certains organes (cœur, poumons, foie, etc.) L’examen clinique peut être général ou orienté en fonction des symptômes. A la fin de cette étape, deux situations se déclinent : soit l’examen clinique est normal, soit il est anormal. Dans un cas comme dans l’autre, le praticien peut être amené à utiliser d’autres moyens plus efficaces et plus objectifs que ses propres sens. Ce sont les examens médicaux encore appelés examens complémentaires ou examens paracliniques (en parallèle à l’examen clinique). Il en existe deux grands groupes : les examens biologiques (hématologique, immunologique, immunohistochimie, etc.) et les examens d’imagerie (radiologie, endoscopie, etc.). Leur but est d’aider le praticien à la prise en charge du patient et font partie intégrante de la démarche thérapeutique. Selon une étude réalisée par l’Union Régionale des Médecins Libéraux en Normandie (France), 22% des consultations en médecine aboutissent à la prescription d’examens médicaux et 75% de ces examens concernent les examens biologiques. Dans 80% des cas, ces examens apportent une aide contributive à la prise en charge du patient. Mais est-ce pour autant que ces examens doivent être prescrits de manière systématique quand on sait que ceux-ci ne sont pas gratuits et que nous vivons aujourd’hui dans une société à fort taux d’inflation réduisant ainsi le pouvoir d’achat des ménages ?
Il est malheureusement constaté que certains professionnels ont pris l’habitude de ne pas se passer des examens complémentaires dans leur démarche diagnostique. Ce qui suscite parfois la colère chez certains patients quand ils se rendent compte qu’ils doivent payer pour un examen sanguin alors qu’ils souffrent probablement de conjonctivite, et qui selon eux, ne nécessite pas un examen sanguin pour être traitée. Cette colère est encore plus forte quand ces patients sont amenés à réaliser les mêmes examens qu’ils ont eu à faire il y a moins d’une semaine.
M. Brou, opérateur économique, interrogé sur la question révèle qu’en raison de ces activités, il effectue régulièrement des voyages à l’improviste à l’intérieur du pays. Etant porteur d’une affection chronique, il lui arrive fréquemment de chuter pendant ses séjours. Ainsi, chaque fois qu’il se rend dans un centre de santé, les médecins lui demandent de réaliser des examens médicaux, quand bien même il en aurait déjà réalisé deux jours auparavant. Il estime qu’en moyenne sa dépense totale dans la réalisation des examens médicaux avoisine 50.000 F CFA par mois.
Ainsi, la question que l’on se pose aujourd’hui et à laquelle nos dirigeants devraient se hâter de répondre est la suivante : pourquoi à l’ère du numérique, il n’existe toujours pas en CI (et dans la plupart des pays africains) un système de stockage numérique de données médicales des patients transférables d’un centre de santé à un autre afin d’éviter la réalisation itérative des examens médicaux ainsi que le retard dans la prise en charge des patients ? A quel moment mettrons-nous fin à l’usage des dossiers médicaux à support physique qui sont parfois mal entretenus, périssables et non transférables d’un hôpital à un autre ?